Lessico


Guglielmo Grataroli

incisione di Theodor de Bry (1528-1598)
da Bibliotheca chalcographica di Jean-Jacques Boissard - 1669

Medico (Bergamo 1516 – Basilea 1568). Si addottorò in medicina a Padova. Allontanatosi ben presto dall’Italia perché sottoposto, a Venezia, a un processo per eresia, visse per lo più a Basilea. In Svizzera pubblicò numerose opere di vario argomento, alcune delle quali notevoli per originalità di vedute: De memoria reparanda, augenda servandaque (1553, poi ripubblicata nel 1555 insieme a De praedictione morum naturarumque hominum facile ex inspectione partium corporis), Pestis descriptio, causae, signa omnigena et praeservatio (1554), De regimine iter agentium (1561), manuale d’igiene per il viaggiatore, De medicinae et rei herbariae progressus et utilitate (1564).

A proposito del suo Verae Alchemiae artisque metallicae, citra aenigmata, doctrina, certusque modus (Bâle: Heinrich Petri et Pietro Perna, 1561) così ne parla Didier Kahn (CNRS, Paris):

Originaire de Bergame, le médecin calviniste Guglielmo Gratarolo (1516-1568), réfugié à Bâle à partir de 1552, exerça jusqu’à sa mort de multiples activités éditoriales, notamment dans le domaine de l’alchimie, mais aussi, par exemple, dans celui de la philosophie médiévale (Guillaume de Conches) et de la Renaissance (Pietro Pomponazzi). C’est à lui que l’on doit, en 1561, la première (et unique) édition du De consideratione quintæ essentiæ de Johannes de Rupescissa, rééditée telle quelle en 1597. En même temps que ce traité majeur de l’alchimie médiévale, Gratarolo édita, de nouveau à Bâle, un vaste recueil in-folio intitulé Verae Alchemiae artisque metallicae, citra aenigmata, doctrina, certusque modus, qui jusqu’en 1572 constitua la plus large somme de traités d’alchimie disponible en Europe sur le marché du livre. L’ouvrage, qui ne contenait pas moins de 53 traités, représentait de toute évidence la continuation du projet éditorial d’un prédécesseur de Gratarolo, l’imprimeur-libraire de Nuremberg Johann Petreius (1496/97-1550), qui avait déjà cherché vingt ans plus tôt à réunir les matériaux d’une vaste compilation alchimique. De fait, dans le Verae Alchemiae publié par Heinrich Petri et Pietro Perna, Gratarolo reprenait presque intégralement la substance du premier recueil publié par Petreius, le De alchemia de 1541, n’omettant que la Table d’émeraude et son commentaire par Hortulanus, déjà réédités l’année précédente chez Pietro Perna dans un recueil principalement attribué (à tort) à Jean de Garlande. Cette reprise pure et simple occupait déjà près des trois cinquièmes du tome I du Verae Alchemiae (I, p. 112-242).

De quoi se composaient les deux premiers cinquièmes? D’abord de pièces sinon liminaires, tout au moins exclues de la pagination principale. Pour ne rien dire des dédicaces, prologues et autres, après un extrait « De Chemeia, vel Alchymia » du Nomenclator de Robert Constantin (1555), Gratarolo ajouta in extremis en tête de son recueil un dialogue alchimique anonyme intitulé Chrysorrhoas sive De arte Chymica, déjà paru à Cologne en 1559, qui mettait en scène Paracelse lui-même (1493/94-1541) sous les traits d’un alchimiste expert dans la transmutation des métaux, activité que le vrai Paracelse avait condamnée sans appel comme indigne. On a longtemps cru que ce dialogue était l’œuvre de Gratarolo. Il est fort difficile de soutenir sérieusement cette affirmation, Gratarolo s’étant montré un adversaire résolu du paracelsisme. Guido Jüttner a suggéré en 1969 que l’auteur eût pu être un ami de Paracelse, Bartholomäus Schobinger (1500-1585), hypothèse aventureuse qui manque de bases solides; Jüttner, par ailleurs, ignorait entièrement l’existence de l’édition de 1559 du Chrysorrhoas. En somme, rien ne permet vraiment de lever l’anonymat de ce curieux dialogue.

C’est ensuite que commence le corps de l’ouvrage proprement dit (p. 1-244 pour le premier tome). On a vu que Gratarolo y reprenait notamment la quasi-totalité du recueil de 1541 De alchemia, c’est-à-dire en particulier tout le corpus attribué au pseudo-Geber. Mais juste avant ces textes, les 111 premières pages du Verae Alchemiae sont consacrées à des traités de la Renaissance commentant Geber. Gratarolo commence en effet par donner sa propre traduction latine du traité Il Legno della vita de son compatriote Giovanni Bracesco (c. 1482-1555 ?). Ce traité, initialement paru à Rome en 1542, avait déjà été traduit en latin ainsi qu’un autre traité de Bracesco et publié en 1548 par Johann Petreius sans nom d’auteur, sous le seul titre De Alchemia Dialogi II., dans le cadre d’une habile stratégie éditoriale de Petreius centrée sur les figures alchimiques de Lulle et de Geber, car Il Legno della vita n’était autre qu’un dialogue mettant initialement en scène Démogorgon — figure mythologique héritée de Boccace — et le pseudo-Lulle alchimiste, où les doctrines alchimiques du pseudo-Geber se trouvaient souvent commentées. Quoi qu’il en soit, Gratarolo, qui avait connu Bracesco vers 1551, avait reçu de lui une version autographe augmentée de Il Legno della vita : c’est elle qu’il traduisit et inséra dans le Verae Alchemiae ; la figure de Démogorgon s’y trouve remplacée par celle, bien plus simple, d’un élève (Discipulus) de Lulle (c’est cette version qui sera plus tard reprise dans la Bibliotheca Chemica Curiosa de Manget [1702]). Gratarolo plaça à la suite de ce texte un traité rédigé sans doute en 1554 par un alchimiste français par ailleurs inconnu, Robertus Tauladanus, intitulé In eundem Braceschum Gebri interpretem, animadversio, où ce Tauladanus s’en prenait notamment à l’idée de Bracesco que la matière première des alchimistes n’était autre que le fer. Comment Gratarolo entra en possession de ce texte, c’est ce qu’on ignore, car c’est là sa seule et unique édition.

Le tome II s’ouvre sur la première édition d’un traité médiéval anonyme encore très mal connu, le Liber de magni lapidis compositione, qui porte parfois le titre de Textus alkimie et paraît pouvoir être daté de 1325. Vient ensuite la reprise de quatre traités attribués à Arnaud de Villeneuve, constamment réimprimés depuis 1504 avec ses Opera, et que Gratarolo emprunte vraisemblablement soit à l’édition de ces Opera de 1504, soit à celle de 1509, car comme l’a noté Antoine Calvet, les éditions suivantes ajoutent à ces quatre textes le De lapide philosophorum que Gratarolo ne reprend pas, tandis qu’il leur ajoute, publiée pour la première fois, la Practica ad quendam Papam (II, p. 73-78). En revanche, Gratarolo précise qu’il a collationné certains de ces textes sur des manuscrits.

Les pages suivantes offrent pour la première fois divers traités — tous apocryphes — attribués à Albert le Grand, à Raymond Lulle, à Aristote et Avicenne. Relevons-y notamment la première édition d’un des textes les plus importants des débuts de l’alchimie latine, le De perfecto magisterio du pseudo-Aristote. On trouve ensuite la première édition du Liber lucis de Johannes de Rupescissa, puis des textes médiévaux attribués au moine Ferrarius ou Efferarius, notamment son Thesaurus philosophiæ, enfin toutes sortes de brefs traités et de fragments d’alchimie médiévale, parmi lesquels la Quæstio an lapis philosophicus valeat contra pestem a récemment retenu l’attention de Chiara Crisciani. C’est au poète humaniste Giovanni Aurelio Augurelli (c. 1456-1524) que revient l’honneur de clore ce vaste recueil, avec la réédition de sa Chrysopœia suivie de ses poèmes non alchimiques, conformément à l’édition que suit ici Gratarolo (sans doute l’édition bâloise de 1518).

Une moitié seulement de cet ensemble impressionnant (27 traités au lieu de 53) fut rééditée en 1572 par Pietro Perna sous un titre légèrement différent : Alchemiæ quam vocant artisque metallicæ doctrina, certusque modus, en deux volumes d’un plus petit format (in-8°). Mais les projets de Perna pour l’année 1572 s’avérèrent d’une ampleur inégalée en matière d’alchimie : pas moins de quatre autre ouvrages dont trois autres grands recueils virent alors le jour sous ses presses. L’édition alchimique atteignait son âge d’or.

Dictionnaire historique
de la médecine ancienne et moderne

par Nicolas François Joseph Eloy
Mons – 1778