Lessico


Olivier de Serres

Studioso francese, autodidatta, di botanica e agricoltura (Villeneuve-de-Berg, Ardèche, 1539 - ivi, 1619). È considerato un po' il padre dell'agronomia.

Proveniente da un'agiata famiglia protestante di commercianti di stoffe, Olivier ebbe la fortuna di avere un precettore privato e di usufruire dei migliori insegnamenti per l'epoca. Egli completò la sua formazione con numerosi viaggi in Italia, Germania, Svizzera e nella stessa Francia. Acquistò un podere di cui fece un campione di sperimentazione pratica delle tecniche agronomiche. Il suo scopo fu di far partecipare della conoscenza delle tecniche agricole sia i contadini per ottenere i migliori raccolti che i proprietari terrieri perché potessero far fruttare al meglio il loro investimento. Fu amico di Claude Mollet (1563-1650), il giardiniere di Enrico IV che realizzò i giardini di Saint-Germain-en-Laye, di Fontainbeau, delle Tuilleries e di Blois.

Si deve a lui l'introduzione in Francia della coltura del gelso, delle cui foglie si nutre il baco da seta e di cui sviluppò una piantagione, e di numerose altre piante quali la robbia, il luppolo e il mais. Studiò la possibilità di sviluppare anche in Francia la sericoltura e pubblicò questo studio grazie al quale anche in Francia fu possibile introdurre quest'attività. Egli intuì inoltre che nella barbabietola era contenuta una sostanza molto dolce che poteva essere zucchero ma non gli riuscì di realizzare un processo valido per l'estrazione.

Scrisse, su richiesta di Enrico IV che era un suo estimatore, un'opera considerata il primo trattato scientifico di agricoltura ed economia rurale francese, Le théâtre d'agriculture et mesnage des champs, pubblicato nel 1600.

L'opera di Olivier de Serres fu grandemente influenzata da quella del bresciano Agostino Gallo (Brescia 1499-1570), valente agronomo che tra i suoi vari scritti annovera le Dieci giornate della vera agricoltura (1550), opera che ebbe numerose edizioni.

Biographie d'Olivier de Serres

Olivier de Serres (1539-1619) est un autodidacte français qui fut l’un des premiers à étudier de manière scientifique les techniques agricoles et à en rechercher l’amélioration de manière expérimentale. De ce point de vue, on peut le considérer comme le père de l’agronomie.

Né à Villeneuve-de-Berg dans le Vivarais (aujourd’hui département de l’Ardèche), Olivier de Serres est issu d’une famille protestante aisée, ayant fait fortune dans le commerce du drap. La position de sa famille permet à Olivier de bénéficier des meilleurs enseignements et d’un précepteur privé. Il complète sa formation par de nombreux voyages en France, Italie, Allemagne et Suisse.

Très tôt, il fait preuve d’une curiosité intellectuelle proche de celle des humanistes de la Renaissance. À 19 ans, il acquiert le domaine du Pradel, dont il fait une ferme modèle qui sera le théâtre de nombreuses expérimentations pratiques. Son but est de faire partager son savoir, tant aux paysans pour leur permettre d’obtenir de meilleures récoltes, qu’aux propriétaires pour faire fructifier leurs domaines. Reconnu et respecté par ses pairs, il est ami de Claude Mollet (1563-1650), le jardinier d’Henri IV qui réalisa les jardins de Saint-Germain-en-Laye, de Fontainebleau, des Tuileries et de Blois.

C’est grâce à lui que la production de la soie fut introduite en France, via le développement de plantations de mûriers dont les vers à soie se nourrissent. On lui doit aussi l’introduction de nombreuses autres plantes, telles que la garance, le houblon et le maïs. Il fut le premier à travailler à l’extraction du sucre à partir de la betterave, mais sans arriver à un processus rentable.

Sa propriété située au Pradel, où il avait toutes ses plantations expérimentales, fut rasée durant les guerres de religions sur ordre de Richelieu (1585-1642).
La reconnaissance de l’importance de son œuvre n’arrive que tardivement. Ainsi, ce n’est qu’en 1804 qu’un monument est érigé à sa mémoire dans sa ville de Villeneuve-de-Berg.

Il publie en 1600 Le théâtre d’agriculture et mesnage des champs, Paris, Jamet-Métayer, ouvrage qui peut être considéré comme le premier cours d’agriculture et d’économie rurale et scientifique écrit en France.

Extrait de la préface:

«Il y en a qui se mocquent de tous les livres d’agriculture, et nous renvoyent aux paysans sans lettres, les quels ils disent estre les seuls juges compétans de ceste matière, comme fondés sur l’expérience, seule et seule règle de cultiver les champs. Certes, pour bien faire quelque chose, il la faut bien entendre premièrement. Il couste trop cher de refaire une besogne mal faicte, et surtout en l’agriculture, en la quelle on ne peut perdre les saisons sans grand dommage. Or, qui se fie à une générale expérience, au seul rapport des laboureurs, sans savoir pourquoi, il est en danger de faire des fautes mal réparables, et s’engarer souvent à travers champs sous le crédit de ses incertaines expériences.»

Le livre est divisé en huit lieux où sont analysées les différentes activités agronomiques, depuis la description et l’organisation du domaine jusqu’à la dépense des biens par le propriétaire. L’expression «Mesnage des champs» dévoile le cœur même de sa réflexion. L’objet de son discours concerne l’économie domestique, l’ordre et la dépense de la maison des champs. On trouve également dans son ouvrage de nombreuses descriptions d’espèces, comprenant outre les descriptifs habituels, des conseils de culture et d’entretien, ainsi que des plans d’aménagement, comme les broderies de buis. Il divise le jardin en quatre parties: le potager, le jardin bouquetier, le jardin médicinal et le verger.

L’ouvrage est une commande du roi Henri IV (1553-1610), qui se faisait lire chaque jour un chapitre, et avait beaucoup d’estime pour Olivier de Serres.

La culture du ver à soie

Serres étudie en particulier la possibilité de réaliser en France la culture du ver à soie. Il fait paraître en 1599 son Art de la cueillette des vers à soie qui constitue d’ailleurs un chapitre de l’ouvrage précédent. Il fait parvenir au jardin des Tuileries des mûriers.

Histoire de la famille Desserres

12 novembre 1284 - Chartes de création de la bastide qui prend le nom de Villeneuve-de-Berg. Accord entre l'abbé de Mazan et le roi de France, Philippe le Hardi.

2 août 1348 - Testament d'un Pierre Desserres.

Fin XIVème siècle - Une famille Desserres exploite un mas proche de Villeneuve-de-Berg.

Début XVème siècle - Antoine Desserres est commerçant en tissus à Villeneuve-de-Berg. Il a un fils Jacques.

15 juin 1532 - Mariage de Jacques Desserres avec Louise de Leyris à l'église de Villeneuve-de-Berg.

1539 - Naissance d'Olivier, fils aîné du couple.

1545 - Accord amiable entre le baron des Astars, propriétaire des droits féodaux sur le Pradel, et l'avocat Pastel, propriétaire de la terre. Jacques Desserres arbitre le conflit.

Entre 1546 et 1550 - Décès de Jacques Desserres à une date inconnue.

1558 - Olivier de Serres achète le Pradel et commence son livre de raison.

11 juin 1559 - Mariage à Villeneuve-de-Berg d'Olivier de Serres et de Marguerite Darcons, qui avait un an de moins que son mari.

4 janvier 1561 - L'assemblée des calvinistes de Villeneuve-de- Berg confie à Olivier de Serres la mission d'aller à Genève demander un pasteur pour la ville.

1er mars 1562 - Massacre de Wassy: début des guerres de religion. Les protestants sont pourchassés.

2 mai 1562 - On confie à Olivier de Serres les objets précieux de l'église de Villeneuve. Il finit par les vendre à un marchand de Montélimar pour la somme de 380 livres, qu'il conservera en récupération de sommes avancées. Son arrière petit-fils sera obligé de les rembourser un siècle plus tard.

1562-1563 - La guerre civile fait rage.

1563 - Bernard Palissy publie sa Recette véritable... , qui arrivera à Villeneuve-de-Berg l'année suivante.

30 juin 1563 - Catherine de Médicis réconcilie provisoirement les partis. Reprise du Havre aux Anglais.

1564 - Introduction au Pradel de la charrue à avant-train et de la herse. Epandage de chaux sur quelques terres.

22 décembre 1564 - Accord amiable avec le baron des Astar pour que l'eau du ruisseau Gazel soit dérivée au profit du Pradel.

1565 - Mariage de Raymond, plus jeune frère d'Olivier de Serres, à Loriol, en Dauphiné, d'où Olivier de Serres rapporte le sainfoin ou esparcet.

1565 - D'un voyage à Nîmes, Olivier de Serres ramène des boutures de mûrier et de la graine (oeufs) de vers à soie. Il commence un élevage à Villeneuve-de-Berg, mais n'en fera autant au Pradel qu'après 1580.

15 mars 1571 - Affranchissement de la juridiction du Pradel. Olivier de Serres devient seigneur du Pradel, moyennant une rente de cinq setiers de froment qu'il avait sur des agriculteurs de Saint- Jean-le-Centenier.

24 août 1572 - Saint Barthélémy: massacre des Protestants par les Catholiques à Paris et en province, notamment à Lyon.

25 septembre 1572 - Olivier de Serres loue pour trois ans ses terres de culture à quatre fermiers des Granges de Mirabel, dont les deux frères Chaussy.

Automne 1572 - Les familles protestantes quittent Villeneuve- de-Berg. La famille de Serres s'installe aux granges de Mirabel, près des frères Chaussy, à mi-chemin entre le Pradel et Mirabel.

2 mars 1573 - Avec une troupe de soldats protestants, Olivier de Serres pénètre par les égouts dans Villeneuve-de-Berg, qui est prise et pillée.

20 et 21 mai 1573 - A Privas, accord entre les deux partis pour une trêve vite rompue.

Janvier 1576 - Un accord à Villeneuve puis, le mois suivant pour le Vivarais. Au printemps, la guerre civile recommence.

1573-1578 - On ne sait presque rien des Serres durant cette période. Il semble que la famille regagna Villeneuve-de-Berg. Olivier de Serres participe à des négociations en compagnie de son beau-frère Jacques Darcons. Il s'est peu occupé du Pradel où les fermiers des Granges de Mirabel continuèrent des cultures jusqu'aux moissons de 1578. Les Serres y installèrent un ménage de domestiques, les Chambos.

Août 1578 - Olivier de Serres et Marguerite, sa femme, Daniel, 17 ans, Gédéon, 13 ans, Bonne, 4 ans et demi, et Isabeau, 18 mois, s'installent au Pradel.

1579-1580 - Début réel de prise en main du Pradel. Difficultés d'approvisionnement. Climat et sécurité très défavorables.

1580 - Remise en état du moulin de Brialas. Achat de deux paires de boeufs et de châtaignes blanches pour la nourriture des gens.

26 novembre 1580 - Paix de Fleix en Ardèche.

1581-1585 - Bonnes années. Investissements importants en bétail, semences et travaux.

5 juin 1583 - Accord entre Olivier de Serres et le second seigneur de Mirabel, le sieur d'Arlempde, sur l'utilisation de l'eau du ruisseau Gazel, ce qui va permettre l'irrigation des prairies du Pradel.

1586 - Henry de Navarre est vainqueur à Coutras.

1585-1592 - Insécurité. Amélioration des méthodes de culture.

1589 - Assassinat de Henri III et avènement de Henri IV.

1593 - Olivier de Serres loue ses terres labourables à Pierre Chaussy, pour trois ans. Il va à Nîmes chez Traucat, jardinier à Montpellier chez Richer de Belleval, botaniste, à Avignon et chez son frère Raymond, à Loriol, en Dauphiné.

3 mai 1594 - Mariage de Daniel de Serres, docteur en droit avocat au bailliage de Villeneuve-de-Berg, avec Anne de Frise.

Juillet 1594 - Jean de Serres a été emprisonné et a dû payer une forte rançon. Olivier lui donne sa caution sur le Pradel pour la somme de 18000 écus (in Vaschalde).

1595 - Rédaction d'un premier testament par Olivier de Serres.

1596 - Jean de Serres est nommé historiographe de France.

4 juin 1597 - Henry IV reconnaît ses dettes envers Jean de Serres et s'engage à les faire payer.

13 avril 1598 - Edit de Nantes officialisant la part des protestants dans la société française.

2 mai 1598 - Paix avec l'Espagne.

18 mai 1598 - Jean de Serres et sa femme meurent à Orange.

6 novembre 1598 - Olivier de Serres part à Paris avec Barnier. Il est mandaté par le conseil de famille pour demander au roi le remboursement des sommes dues aux héritiers de Jean de Serres. Il emporte le manuscrit du Théâtre d'Agriculture. Olivier de Serres restera 21 mois à Paris.

18 février 1599 - Parution de l'opuscule sur les vers à soie, chapitre du Théâtre, imprimé d'urgence pour promouvoir la production de la soie.

1er juillet 1600 - Parution à Paris du Théâtre d'Agriculture et Mesnage des champs. Fin juillet 1600 - Après avoir distribué 29 exemplaires de son livre, Olivier de Serres revient au Pradel. Ces livres-cadeaux, magnifiquement reliés, représentèrent une dépense de 348 livres!

Fin octobre 1600 - Henri IV lui envoie M. de Bordeaux, grand maître des jardins royaux, au Pradel commander 20.000 mûriers.

5 mai 1603 - Départ d'Olivier de Serres pour un second séjour à Paris. Deuxième édition du Théâtre. Présentation d'échantillons de tissus et de fibres de mûrier. Publication d'un opuscule.

25 janvier 1604 - A Villeneuve-de-Berg, mariage de Bonne de Serres avec Daniel Sabatier, chevalier du roi.

11 avril 1604 - Mariage de Gédéon de Serres, à Paris.

22 novembre 1604 - Départ d'Olivier de Serres pour un troisième séjour à Paris. Il se jette aux pieds du roi dans les Tuileries et obtient le règlement souhaité.

1605 - Jacques Barnier, originaire d'Annonay, devient chef de culture d'Olivier de Serres. Il fut l'adjoint fidèle et compétent du maître du domaine, puis celui de Daniel à partir de 1619.

1606 - Les deux derniers fils d'Olivier de Serres vont faire leurs études à Valence. Les trois aînés sont mariés; il y a déjà cinq petits-enfants. Les deux autres filles sont fiancées.

1608 - Jacques Barnier se marie à Annonay et s'installe au Pradel, où il prendra de plus en plus d'importance.

Février-mars 1610 - Isabeau de Serres se marie avec M. Feutrier, de Montélimar. Jacques de Serres va essayer de se placer à Paris avec l'aide de son frère Gédéon.

14 mai 1610 - Assassinat de Henri IV.

20 mai 1612 - Mariage de Marie, dernière fille de l'agronome.

8 décembre 1612 - Deuxième testament d'Olivier de Serres. Il lègue la moitié du Pradel à sa femme et l'autre moitié à son fils Daniel, et fait divers dons à ses fils (2.000 livres) et petits-enfants (quelques livres). C'est ce testament qui sera exécuté. Celui de 1617, retrouvé ouvert à la fin du siècle, ne faisait que confirmer Daniel de Serres dans la totalité de ses droits sur le Pradel.

13 septembre 1612 - Mort de Gédéon de Serres à Paris. Il laissait deux enfants. Il n'avait pas réussi à installer ses deux jeunes frères, qui partirent à Milan.

1613 - A la Saint Michel (fin septembre), l'inventaire du bétail du Pradel donne 93 bêtes à laine. Il y en aura 136 en 1615, ce qui était assez peu.

1617 - Décès de Marguerite de Serres. Dernier testament d'Olivier de Serres, qui lègue le Pradel à son fils aîné Daniel.

12 juillet 1619 - Mort d'Olivier de Serres au Pradel.

Source

Olivier de Serres et l'évolution de l'agriculture de BOULAINE et MOREAU

L'Harmattan 2002, p.115 à 119

L'agronome

Tenons-nous en aux réalités: celles-ci sont suffisamment substantielles pour éviter des excès susceptibles de nuire à notre grand agronome, dont l’apport aux œuvres de la terre est considérable et se suffit à lui-même.

Homme de terrain, Olivier de Serres l’était sans conteste puisqu’il s’est retiré dès 1578, à moins de quarante ans, dans sa propriété vivaroise dont la mise en valeur sera l’œuvre de sa vie.

Par son calme, la douceur de son environnement, son climat méditerranéen, ce site était un lieu privilégié pour écrire.

Qu’Olivier de Serres figure au premier rang des agronomes célèbres, qu’il soit l’un des créateurs de la science agronomique française, nul n’en peut douter. C’est Arthur Young, le fameux agronome anglais, l’auteur de Voyages en France qui, en 1789 l’a affirmé avec le plus de force: «l’un des premiers écrivains de sa spécialité que le monde ait jamais connu.»

La pièce maîtresse de son œuvre pratique fut la suppression de la jachère, et de la vaine pâture. Jusque-là, on laissait reposer une année sur deux ou trois, la terre épuisée par les céréales.

L’idée d’Olivier de Serres est d’intercaler dans le cycle des cultures profondes, les prairies artificielles, qui vont permettre d’exploiter le sol sans solution de continuité. Les assolements modernes, fondement de la prospérité agricole et de l’expansion industrielle qui s’en suivit, sont ainsi nés au Pradel.

La succession méthodique sur la même terre, pendant plusieurs années, de cultures différentes assure la conservation de la fertilité des sols et l’obtention des meilleurs résultats possibles.

L’Edit de Nantes (avril 1598), en accordant aux protestants la liberté de conscience, acheva la pacification du royaume. La France allait pouvoir panser ses plaies et se remettre au travail. Olivier de Serres y contribua puissamment.

Le patriarche du Pradel travaillait depuis une vingtaine d’années à un grand ouvrage sur l’agriculture. Quand la paix fut enfin rétablie O. de Serres jugea le moment opportun de faire paraître son livre. Il songea d’abord à le donner à un imprimeur de Lyon. Mais, appelé à Paris par une affaire relative à la succession de feu son frère Jean, il décida de profiter de son déplacement pour traiter avec un imprimeur de la capitale. Malgré son âge et les fatigues du voyage, il résolut de se rendre à la Cour pour plaider la cause de ses neveux infortunés…..

Quelques jours après son arrivée, Olivier de Serres traita avec Jamet Mettayer «imprimeur ordinaire du Roy». Ayant mis au point une étude sur les vers à soie, qui devait constituer le chapitre XV du cinquième « Lieu » de son livre, il décida, vu l’importance et la nouveauté du sujet, de le faire paraître immédiatement …… sous le titre: la cueillette de la soye par la nourriture des vers qui la font. Echantillon du Théâtre d’Agriculture d’Olivier de Serres, seigneur du Pradel.

Ce mémoire sortit de presse « le dix huitième jour de février M.D.XCIX ». Quant au Théâtre, il fut achevé d’imprimer le 1er Juillet 1600.

Le maitre du Pradel utilisa d’abord les auteurs anciens souvent cités comme des références. Ensuite l’essentiel est une compilation d’usages plus ou moins largement régionaux.

Néanmoins, l’auteur était ouvert à des découvertes nouvelles: il écrivit l’un des premiers textes sur la pomme de terre, à peine introduite en Europe et dont il décrivit la culture avec exactitude. Au contraire des écrits de ses contemporains, on ne trouve pas de système a priori chez lui. Par exemple, pour les rotations des cultures, il préconisa une stratégie souple, en fonction de situations locales ou momentanées. Indifférence pour la routine et liberté d’action le caractérisent….

Le cœur du problème agronomique est le système, cohérent, global et étroitement combiné de la production des céréales vivrières, froment d’abord, puis orge, avoine, millet et légumineuses de consommation humaine. Pour cela, il est utile de supprimer ou de réduire les jachères, ce qui impose d’avoir des fertilisants. Le fumier est le premier de tous et l’on en produira le plus possible à condition d’avoir de la paille et des déjections animales. Les légumineuses fourragères sont une excellente nourriture pour les herbivores. De plus Olivier de Serres et ses contemporains les soupçonnaient de favoriser les céréales qui suivaient: « l’Esparcet vient gaiement en terre maigre: & y laisse certaine vertu engraissante à l’utilité des bleds qui en suyte y sont semés ».

Le maître du Pradel recommandait aussi la plus grande exigence sur la qualité des reproducteurs animaux ou végétaux. Greffons d’arbres fruitiers ou étalons, il fallait les rechercher aussi loin que nécessaire, répétait-il, et l’on ne devait pas regarder au prix car leur choix engage l’avenir des récoltes et la descendance des animaux…..

In Olivier de Serres et l’évolution de l’agriculture. BOULAINE et MOREAU.
L’Harmattan 2002. pp 43 et suiv.

Memorandum
Olivier de Serres et les vers à soie

L’élevage des vers à soie et le tissage de celle-ci étaient connus au moins trois siècles avant 1600. Vers 1250, il y en avait dans le nord de l’actuel département du Gard, on connaît même le nom d’un artisan qui dévidait les cocons. Il devait en être de même en Italie où la tradition fait état de l’introduction du ver à soie par es moines, qui en auraient rapporté de Chine la « graine » cachée dans leurs bâtons.
Olivier de Serres a rapporté de Nîmes les éléments qui lui permirent d’élever les vers, appelés aussi « magnans". […] Il en fait vendre les cocons à un de ses serviteurs envoyés faire des courses à Montélimar (on le sait par son livre de raison). Cela prouve que les quantités produites étaient relativement faibles et qu’il n’était pas en mesure de dévider les fils de soie.

Lorsque Olivier de Serres arrive à Paris en Novembre 1599, avec le manuscrit de son livre et le but d’implorer Henri IV pour les intérêts de ses neveux, il est presque aussitôt repéré par les financiers du Roi: notamment Laffemas. Ceux-ci sont à l’affût d’une production de luxe et de faible poids, susceptible d’être exportée pour procurer des devises au royaume. Les collaborateurs du roi demandent expressément à Olivier de Serres de faire imprimer immédiatement le chapitre de son livre concernant la production de la soie et le livret sort de l’imprimerie vers le 15 février 1600. Ce sont les services des finances qui se chargent de la vulgarisation, centrées sur Lyon, où les tisseurs de soie ont reçu depuis plusieurs années le privilège de leurs activités, leur matière venant probablement d’Italie. Quelques temps après, Henri IV, de voyage à Grenoble, envoie le directeur de ses jardins au Pradel, avec une lettre pour « Monsieur du Pradel », portant commande de 3000 pieds de mûriers pour les jardins des châteaux royaux. Olivier de Serres fera des boutures sans ses potagers et en fournira un millier par an à partir de 1603.

Le mérite d’Olivier de Serres reste entier mais son intervention dans la production séricicole est plutôt celle d’un expert que d’un industriel.

Sous le second empire, deux siècles et demi après l’intervention du maître du Pradel, la valeur de la production de la soie dans la vallée du Rhône et aussi un peu au sud de la Loire équivalait au 3/5 de la production du vin en France. La concurrence des soies asiatiques, après l’ouverture du canal de Suez, a ruiné cette production.

Jean Boulaine

L'écrivain

Olivier de Serres, homme de lettres. C’est délibérément que nous faisons ainsi figurer en bonne place la dimension littéraire de notre personnage: son style dru et imagé n’a-t-il pas contribué de façon décisive au succès de son œuvre?

Comment caractériser l’art de l’écrivain qu’est Olivier de Serres?

Certains critiques l’ont jugé prolixe: c’est méconnaître la variété des sujets qu’il aborde, et le caractère encyclopédique de ses conceptions « ménagères ». N’y a-t-il pas lieu de regretter plutôt, à la lecture de certains passages pleins de vivacité, d’imagination et de poésie, que les développements ne soient poussés davantage?

D’autres censeurs acceptent mal sa propension manifeste à truffer son texte de citations latines. A notre époque, c’est peut-être un travers; ce n’en était pas un à celle de la Renaissance.

En tout cas, son œuvre ne ressemble à aucune de celles qui l’ont précédée, en particulier diverses Maisons rustiques publiées ici et là en Europe et qu’Olivier avait soigneusement étudiées.

Le Mesnage des Champs et l’Astrée connurent l’un et l’autre un immense succès, ce qui prouve que les voies de la réussite sont multiples!

Mieux que quiconque depuis des millénaires que l’on cultive le sol, Olivier de Serres a su discourir simplement de mille choses, enseignant l’art rustique comme personne ne l’avait fait avant lui, avec clarté, précision et agrément.

Ce qu’il faut retenir, c’est le caractère exceptionnel des qualités littéraires d’Olivier de Serres. Homme d’action et de terrain, il est aussi et avant tout un homme de lettres, ou plutôt la plus belle action de sa vie c’est son Théâtre. Il se présente ainsi à son époque et encore à la nôtre, comme un champion de la communication écrite. C’est là un point important à souligner dans un monde où n’a cessé de s’amplifier le volume de la communication orale et visuelle.

(In Un précurseur: Olivier de Serres. Pierre Cornet.)

Le style d’Olivier est superbe, on peut le redire. Chaque paragraphe du texte contient plusieurs phrases sur lesquelles le lecteur s’arrête pour les relire, sourire et chercher dans son entourage quelqu’un à qui les dire!

(In Portraits d’agronomes. BOULAINE et LEGROS.p.16 Lavoisier.)

Le philosophe, l’humaniste

L’humanisme est ce mouvement d’idée de la Renaissance qui a mis à l’honneur l’étude des anciens auteurs, grecs et latins; mais c’est aussi une philosophie plaçant au centre de ses préoccupations non pas telle ou telle idée abstraite, mais l’homme concret et complet avec son intelligence, son cœur et ses passions.

Olivier de Serres, dans ces deux acceptions, est bien un humaniste.

Son éducation fut celle d’un « intellectuel » de la Renaissance. Lecteur infatigable et curieux, il applique à ses lectures un esprit critique tout à fait moderne, sachant garder le meilleur et faire le tri parmi les idées et les usages entre ce qui est digne d’intérêt et ce qui n’est que sottise et superstition.

C’est là qu’apparaît l’humaniste, au sens philosophique du mot. Confiance dans l’homme, méfiance dans les idées…

Comme Descartes, son esprit est tourné vers l’observation des choses et la considération des faits.

En fait, notre humaniste est doué au plus haut degré de ce que nous appelons l’esprit scientifique, qui procède du doute, de l’expérimentation et de l’analyse critique des faits observés. « J’ai trouvé, nous dit-il, un singulier contentement, après la doctrine salutaire de mon âme, en la lecture des livres d’agriculture »; ces lectures et les voyages qu’ils a effectués lui ont donné une connaissance complète des pratiques champêtres de son temps et des temps plus anciens.

Mais un siècle avant Descartes, appliquant la première règle de la Méthode, il n’accepte rien qui ne soit évident. « On se méfiera des charlatans, conseille-t-il, et on se fondera sur les choses assurées et sur lesquelles comme presque le touchant du doigt, l’homme d’esprit assoiera solide jugement. » Il faut refuser « toutes les vanités quoiqu’antiques », les « ridicules incertitudes », les « théories bâties en l’air. »

Première conquête de la Renaissance, la primauté donnée aux arguments de raison sur ceux d’autorité trouve avec Olivier de Serres un ardent défenseur, et dans l’agriculture, un terrain d’élection; n’est-ce pas là un domaine du savoir, jusqu’alors obscurci d’empirismes mal transmis, d’erreurs, de superstitions, de préjugés qui se sont accumulés au fil des siècles en strates successives sans passer par le tamis du discernement, et que se transmettent encore de bouche à oreille les fermiers et métayers de l’époque, sous le regard sceptique du maître des lieux.

Hardi, certes, lorsqu’il conçoit une amélioration, c’est la prudence qui l’emporte chez lui quand il s’agit de l’adapter. Entre la tradition et le changement, la coutume et le progrès, il cherche constamment le compromis, ce qu’il exprime lui-même par une heureuse formule « la science de l’agriculture est comme l’âme de l’expérience. »

L’ambition de cet homme de culture et d’agriculture est d’être d’abord un praticien de qualité. Il ne s’agit nullement pour lui de fonder une nouvelle agronomie de caractère révolutionnaire; sa seule prétention est de remettre en cause certaines routines pernicieuses et d’obtenir, par des améliorations successives et soigneusement dosées, un progrès lent, mesuré et sûr.

Mêlé de très près à l’histoire de son époque et aux sanglantes guerres de religion qui ont ravagé le pays, Olivier de Serres est aussi un grand homme d’action.
Notre huguenot a dû constamment plonger dans le réel. Là aussi c’est en humaniste qu’il se comporte.

Comme son frère, Jean de Serres, il a toujours joué la carte de la réconciliation, plaidant notamment pour les trêves de labourage afin de « permettre que les labours soient faits et les sillons ensemencés ». Chaque fois qu’il prend part aux événements, c’est pour se prononcer en faveur de l’apaisement.

(Un précurseur: Olivier de Serres. Pierre Cornet.)